Fiction ou réalité: nos désirs font désordre
envoyé par fdj

France Soir, Elisabeth Santacreu, le jeudi 26 mars 2009

Stéphane Arnoux raconte avec talent quelques jours dans la vie d’un groupe d’étudiants.

C’est un film produit avec de tout petits moyens. Le scénario minimaliste, de 16 pages seulement, faisait peur à tout le monde, raconte son réalisateur, Stéphane Arnoux. Les télés, les businessmen du septième art n’investissent pas leur argent sur la seule bonne mine d’un cinéaste de 26 ans. Ils auraient dû, ou peut-être pas, car Nos désirs font désordre, plus encadré, aurait sans doute perdu de sa fraîcheur.

Traversé par la voix off de Nadia (Saïda Djoudi), il raconte quelques semaines de la vie d’un groupe d’étudiants, entre difficultés de la vie quotidienne, rêves d’avenir et manifestations. Stéphane Arnoux, qui joue lui-même le rôle d’un musicien, a demandé beaucoup d’improvisation à ses acteurs. Il a magnifiquement saisi les incertitudes, les intermittences du cœur, l’inquiétude devant la dureté du monde de ses héros à peine sortis de l’adolescence. Il montre aussi la grâce des moments d’insouciance autour d’un feu ou dans un café, la violence des idéaux. Il y a beaucoup de tendresse et d’humour dans sa façon de filmer cette petite bande de grands talents en devenir, secondés par la musique prenante de Serge Teyssot-Gay, guitariste de Noir Désir.

 

Excessif / DVDrama, Nicolas Houguet, Le 2009-03-10

La jeunesse présentée dans ce film est intègre, exigeante, intransigeante et farouchement attachée à ses idéaux et à ses ambitions. Avec une mise en scène directe, presque documentaire, il pose une question finalement assez dérangeante : qu'avez vous fait de vos vingt ans ?

Le deuxième film de Stéphane Arnoux confirme, par son sujet, qu'il est un cinéaste engagé (comme en témoignait son premier long-métrage, la Carotte et le bâton). L'univers de ce film est celui des jeunes actrices qui peinent à imposer leur projet, d'une serveuse qui passe des castings pour pouvoir décrocher la gloire, d'un documentariste tentant de vivre de sa passion, d'une jeune femme voulant trouver le temps de se consacrer à l'écriture... On voit des êtres en proie au doute (comme le confirme le monologue du jeune réalisateur qui dit sa peur de « finir cadreur de Koh-Lanta »).

(...)

Ce film est tout simplement touchant, jusqu'à ce repas qui se passe dans une maison de Bretagne où les personnages se retrouvent et où les crises et les ressentiments de chacun explosent en public (là on songe davantage à Festen ou à Bergman). Finalement, ils sont dominés par leur passion. Ils sont beaux, mais pas de cette beauté archétypale et glacée qui s'étale à la une des magazines. Ils sont beaux parce qu'ils tentent d'être eux mêmes dans une société qui leur en dénie le droit. Ainsi pour ne pas se rendre à l'apathie, au désespoir ou au cynisme, il reste l'engagement, les manifs...

Il y a quelque chose d'une intégrité et d'une grâce adolescente dans cette oeuvre, portée par des jeunes acteurs très impliqués et très justes, faisant corps avec ce qu'ils racontent. Il y a là quelque chose d'universel également, de ces rêves douloureux qui nous tenaillent avant l'entrée dans la « vie active » et ses renoncements. Eux n'ont pas lâché les leurs. C'est en cela que ce film est assez intense et émouvant et pose l'éternelle question : qu'avez vous fait de vos vingt ans ?

Nicolas Houguet